Peut-on éviter les déchirures périnéales pendant l’accouchement?

Par Noémie Séguin | La grossesse et l'accouchement

Août 15

La déchirure périnéale pendant l’accouchement est un sujet qui est très peu abordé dans le cadre des suivis médicaux de la maman enceinte. Je me rappelle, lors de ma première grossesse, avoir entendu vaguement parlé qu’il était possible de faire des étirements du périnée avant l’accouchement pendant un cours prénatal, mais on avait rapidement effleuré le sujet sans plus. Dans la société en général, on minimise l’impact de la déchirure du périnée, comme si c’était normal et que ce n’était pas nécessaire de s’en préoccuper. J’écoutais dernièrement une série télévisée sur Netflix abordant la réalité des sages femmes et la maternité au milieu du 20e siècle. On n’y fait jamais mention de la plaie au niveau du périnée malgré le fait qu’on y aborde tout de sorte d’autres défis obstétricaux tout au long des émissions. C’est comme si la déchirure périnéale n’existait pas, qu’elle ne valait pas la peine que l’on s’en préoccupe, mais est-ce vraiment le cas?

En réalité, beaucoup de mamans vont subir une déchirure périnéale lors de l’accouchement. Les statistiques sont très variables, le manque d’information et de préparation de la maman, mais aussi du personnel soignant pèsent beaucoup dans la balance.

Qu’est-ce que la déchirure périnéale?

Pour mieux comprendre la déchirure, il est important de bien comprendre comment sont constitués le périnée et le plancher pelvien.

Lors du passage du bébé, le périnée doit s’étirer considérablement pour permettre au bébé de passer par le canal vaginal. Lorsque les muscles du plancher pelvien et du périnée ont atteint leur capacité maximale d’étirement, les fibres tissulaires et musculaires vont commencer à se rupturer afin de permettre au bébé de continuer son passage vers la sortie. La zone qui va déchirer le plus souvent est l’endroit où les fibres sont moins élastiques, plus denses et plus rigides : Le centre tendineux.

Le centre tendineux est le point de rencontre de tous les muscles du plancher pelvien. C’est le centre de notre trampoline, notre zone principale de support et d’absorption des impacts. Bref, c’est un point charnière très important pour notre fameux plancher pelvien.

Il existe quatre degrés de déchirures au niveau du périnée :

  • Premier degré : la peau et quelques fibres musculaires sont rupturées. Il y a peu ou pas d’atteinte du centre tendineux. Ce type de déchirure peut aussi se diriger vers l’urètre ou les petites lèvres.
  • Deuxième degré : la plus fréquente, elle atteint la peau et les deux premières couches musculaires incluant le centre tendineux.
  • Troisième degré : il y a rupture complète du centre tendineux et de quelques fibres du sphincter anal externe.
  • Quatrième degré : déchirure complète du périnée avec atteinte importante, voire quasi-complète, du sphincter anal externe.

Image : Rev Med Suisse 2017; volume 13.602-606

Il est possible d’avoir une déchirure partielle à différents degrés, c’est-à-dire que la déchirure se situe entre deux degrés de sévérité. Par exemple, un deuxième degré partiel se situe entre une déchirure de premier degré et de deuxième degré. La plupart du temps, le périnée va déchirer de la zone la plus superficielle, la peau et les muqueuses, vers les zones plus profondes. Cependant, il peut arriver que le périnée ne déchire pas de façon conventionnelle et que la déchirure se situe à l’intérieur de la cavité vaginale. On va alors parler de déchirure interne. La déchirure peut aussi être naturelle ou chirurgicale. Dans ce cas, le médecin ou la sage-femme va pratiquer une incision manuellement dans le périnée, on appelle cet acte médical l’épisiotomie.

Qu’est-ce qui peut causer ou favoriser la déchirure périnéale?

Plusieurs facteurs vont contribuer à la déchirure périnéale lors de l’accouchement :

  • Le manque de souplesse du périnée, un périnée rigide : le périnée atteint alors sa pleine capacité d’étirement plus rapidement. Il est à noter que la force du plancher pelvien n’a rien à voir avec le manque de souplesse. Il est possible d’avoir un muscle à la fois fort et souple ce qui le rendra d’autant plus efficace lors de l’accouchement.
  • Un accouchement trop rapide : dans ce cas, les fibres musculaires n’ont pas le temps de s’adapter graduellement à la distension. Un peu comme aller faire un sport intense sans s’être échauffé au préalable!
  • Une poussée trop longue : l’enflure s’installe dans le tissu musculaire et nuit à sa capacité de distension.
  • Le poids et la grosseur du bébé : notamment la circonférence de la tête et la largeur des épaules. Évidemment, plus le bébé sera de forte constitution, plus le périnée devra s’étirer pour lui permettre de passer.
  • La position d’accouchement : certaines positions vont amener plus de stress sur les régions vulnérables du périnée, dont le centre tendineux. Cela augmente donc la surcharge sur ce tissu. C’est malheureusement le cas de la position gynécologique, couchée sur le dos avec les jambes en élévation, qui augmente considérablement la pression sur le centre tendineux.
  • La technique de poussée et l’assistance du personnel soignant : une maman qui connait bien son périnée et son plancher pelvien sera à même de sentir ce qu’est une poussée efficace. De plus, un personnel soignant consciencieux de la préservation du périnée va utiliser des techniques de dégagement plus douces et méticuleuses et va aider au travail du périnée pendant la progression vers la délivrance.
  • L’utilisation de matériel d’extraction : il est parfois nécessaire de précipiter la naissance du bébé lorsque la mère et l’enfant se trouvent dans une situation où leur vie est en danger. À ce moment, on utilise soit la ventouse ou les forceps pour aider à la sortie du bébé. Ce matériel prend de la place dans la cavité vaginale et demande donc au périnée une plus grande distension. Les lignes directrices recommandent d’utiliser de préférence la ventouse avant les forceps avant de minimiser l’étendue des traumatismes obstétricaux.

Ces éléments sont les principaux facteurs contribuant à la déchirure périnéale, d’autres facteurs pourraient également entrer en ligne de compte. Très souvent, c’est l’addition de plusieurs de ces éléments qui auront un impact sur la nature et la sévérité de la lacération.

Est-ce grave d’avoir subi une déchirure du périnée à l’accouchement?

La rupture des fibres d’un muscle, peu importe que ce soit le périnée ou un autre muscle du corps, n’est pas sans conséquence. Les fibres musculaires vont devoir passer par un processus de guérison et les nouvelles fibres n’auront pas la même structure que les anciennes. En fait, au lieu d’être bien alignées de façon parallèle (comme les fibres d’un morceau de steak), elles seront toutes désorganisées et emmêlées. Ce tissu cicatriciel n’aura pas les mêmes propriétés et cela va avoir un impact sur la façon dont le muscle va travailler. Il y aura des atteintes au niveau de sa fonction, de sa force, de son endurance, de sa souplesse, etc. Ces atteintes fonctionnelles pourraient alors causer à court, moyen et même souvent à long terme, des symptômes comme des douleurs dans les mouvements ou dans les relations sexuelles, des incontinences urinaires, de gaz ou de selles, des descentes d’organes, des douleurs au bassin, etc. À la lumière de ces quelques informations, on peut donc conclure, à toute fin pratique, qu’il est tout de même grave de subir une déchirure périnéale. Évidemment, moins la déchirure est sévère, moins les fibres sont atteintes et de façon générale, plus la récupération est facile par la suite. Vous trouverez plus de détail sur les conséquences et la récupération suite à une déchirure périnéale dans un prochain article à ce sujet.

Est-ce qu’il y a des choses à faire pour minimiser son risque de déchirure périnéale?

La bonne nouvelle dans cette histoire, c’est qu’effectivement il y a plusieurs actions concrètes que l’on peut poser pour bien se préparer et ainsi réduire au minimum le risque de subir une lacération périnéale à l’accouchement :

  • Discuter avec son médecin ou sa sage-femme de la déchirure périnéale et de s’informer de leur position face à cette réalité.
  • S’informer des bonnes pratiques en matière d’accouchement et prendre connaissance des facteurs facilitant ou limitant l’évolution favorable de l’accouchement :
  • L’induction naturelle vs médicale;
  • L’impact de la péridurale sur l’efficacité de la poussée;
  • Varier ses positions lors de la poussée et déterminer les positions qui sont facilitantes pour la maman;
  • Utiliser des techniques pour aider le périnée à se relaxer comme des compresses d’eau chaude ou des techniques de massage;
  • Les indications quant à l’utilisation du matériel d’extraction et de l’épisiotomie;
  • Faire un plan de naissance concis et faire appel à une accompagnante à la naissance lors de l’accouchement.
  • Surtout, faire une préparation du périnée à l’accouchement via des techniques spécifiques et progressives à partir de la 34e semaine qui permettront au périnée d’avoir une souplesse optimale le jour de l’accouchement.

Plusieurs facteurs lors de l’accouchement sont hors de notre contrôle. Il est important de mettre l’accent et notre énergie sur les éléments sur lesquels on peut avoir du contrôle. La préparation du périnée à l’accouchement et un périnée qui est fort ne sont pas une garantie absolue qu’il n’y aura pas du tout de déchirure. Cependant les recherches démontrent clairement que cela permet de diminuer le temps de la phase de poussée et la sévérité d’une déchirure d’au moins un degré, ce qui est non négligeable à mon sens!

Pour connaître les meilleures techniques et obtenir une préparation physique à l’accouchement encadrée étape par étape, il est possible de se joindre en tout temps à notre belle famille de mamans qui ont à cœur leur santé via le programme de physiothérapie en ligne de préparation à l’accouchement et prévention des déchirures. Déjà plusieurs centaines de mamans ont fait le pas en ce sens et peuvent témoigner de leur satisfaction! Vous pouvez également consulter un physiothérapeute près de chez vous qui se fera un grand plaisir de vous guider à travers votre préparation à la maison!

À propos de l'auteur

Noémie Séguin est physiothérapeute depuis plus de 10 ans, elle a développé une expertise en Rééducation Périnéale et Pelvienne en allant suivre une formation de 2e Cycle Universitaire dans cette discipline. Elle a fondée la clinique Physio Pelvienne en 2012 et aidé des milliers de personnes à retrouver leur qualité de vie. Passionnée et ayant à coeur que cette expertise devienne plus connue et accessible, elle poursuit sa mission à travers ce blogue informatif et le développement de programmes de réadaptation en ligne en plus de poursuivre sa pratique clinique. Dans le but d'offrir le meilleur service qui soit, elle met régulièrement ses connaissances à jour en assistant à de la formation continue plusieurs fois par années.

  • […] Les lacérations périnéales ont lieu à l’accouchement lorsque le périnée atteint sa distension maximale et n’arrive plus à s’étirer suffisamment pour permettre le passage du bébé. Pour en connaître davantage, vous pouvez consulter l’article précédent qui aborde en détail ce sujet : Peut-on éviter les déchirures périnéales pendant l’accouchement? […]

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