3 conséquences insoupçonnées liées à une déchirure du périnée

Par Noémie Séguin | La grossesse et l'accouchement

Sep 06

Les déchirures périnéales lors de l’accouchement sont fréquentes, à un point tel, qu’elles semblent banalisées par le personnel médical et par la société en générale. Cependant, même si une lacération lors de l’accouchement est fréquente, cela ne signifie pas qu’elle soit sans conséquence. Ce serait tellement pratique que les plaies profondes sur le corps guérissent sans séquelle et que notre corps retrouve sa fonction optimale sans avoir à faire quoi que soit! C’est d’ailleurs ce qui est véhiculé à l’heure actuelle : lorsqu’une maman rencontre son médecin ou sa sage-femme au suivi post-accouchement (quand il y en a un!), on vérifie que la plaie est bien guérie, qu’il n’y a pas de signe d’infection et que l’utérus reprend sa forme. À ce moment, on lui dit que tout est OK et qu’elle peut reprendre graduellement ses activités. Comment peut-on affirmer avec ces informations que le muscle a bien récupéré sa force, son tonus, sa fonction ou que les organes ont repris leur position au repos et à l’effort?

La plupart des mamans ne ressentent aucun symptôme après l’accouchement. Les dysfonctions des abdominaux et du plancher pelvien peuvent rester silencieuses pendant de nombreuses années avant de lancer des signaux d’alerte et ainsi, voir apparaître les premiers symptômes. Dans cet article, je vais expliquer pourquoi cette plaie banale peut être le début de plusieurs problèmes de mamans qui pourraient miner votre qualité de vie d’ici quelques années, si ce n’est pas déjà le cas!

Les changements liés à la déchirure périnéale

Les lacérations périnéales ont lieu à l’accouchement lorsque le périnée atteint sa distension maximale et n’arrive plus à s’étirer suffisamment pour permettre le passage du bébé. Pour en connaître davantage, vous pouvez consulter l’article précédent qui aborde en détail ce sujet : Peut-on éviter les déchirures périnéales pendant l’accouchement?

D’abord, il faut comprendre que lors du processus de guérison, le tissu de réparation n’aura pas les mêmes propriétés que le tissu d’origine. Le processus de guérison d’une plaie est complexe, s’échelonne sur une longue période et fait intervenir plusieurs systèmes du corps. La complexité de ce processus laisse une grande place à l’erreur et aura un impact sur la qualité de la cicatrisation, mais aussi sur la fonctionnalité du nouveau tissu. Voici les 2 étapes clés du processus de guérison d’une plaie :

  • Phase de guérison : les fibres de tissus sectionnées se rapprochent les unes des autres pour s’unir et fermer la plaie. La fermeture de la plaie se fait toujours à partir des tissus plus profonds (par exemple le muscle) vers les tissus plus superficiels (la peau). Cette phase peut durer environ 21 jours selon la gravité de la plaie et d’autres facteurs.
  • Phase de remodelage : une fois la plaie guérie, le tissu de remplacement sera composé de tissu conjonctif dense. Ce tissu est inerte c’est-à-dire qu’il ne se contracte pas et est très peu flexible, donc tout le contraire des fibres musculaires qui étaient présentes juste avant la blessure. Peu à peu, le tissu va se modifier pour être remplacé par un tissu plus souple et plus fonctionnel en réponse aux besoins de la région blessée initialement. Cette période de remodelage peut s’échelonner sur environ deux ans.

Comme on peut le constater, le nouveau tissu va se remodeler en fonction de la demande et du stress qui lui sera imposé, en l’absence de cette stimulation, le tissu cicatriciel va demeurer rigide et non contractile. Il n’aura pas la chance de retrouver la même fonction qu’il avait au départ.

Les 3 conséquences de la déchirure périnéale

Une cicatrice laissée à elle-même aura un impact important sur les fonctions de base de la région du périnée :

  • La perte de soutien : Lors d’une déchirure périnéale, la zone la plus souvent atteinte se trouve à être près de la région appelée centre tendineux. Le centre tendineux et le point d’attache commun de tous les muscles du plancher pelvien, un peu comme le centre d’un trampoline. Lorsqu’une pression est exercée sur le trampoline, ce dernier va réagir en dispersant les forces exercées de façon harmonieuse (ouf, les principes de physiques ce n’est pas toujours facile à comprendre!). Par exemple, lors d’un saut, à l’impact, le périnée va amortir les organes et les renvoyer vers le haut, tout comme un trampoline nous amorti et nous propulse vers le haut lorsque l’on saute dessus. Si le muscle n’a plus son élasticité et ne peut plus réagir aussi bien lors de l’effort avec sa contraction, l’effet de trampoline ne sera pas aussi efficace. Les organes ne seront plus renvoyés vers le haut et vont faire une pression plus forte sur le trampoline. Ce stress chronique sur les organes et le périnée va contribuer à l’aggravation des descentes d’organe à travers le temps.
  • La perte de tonus : on peut expliquer ce qu’est le tonus en disant simplement que c’est la fermeté et le volume d’un muscle lorsqu’il est au repos. Plus un muscle est actif, plus il sera ferme et volumineux au repos.  Lors d’une blessure importante, le muscle ne veut plus se contracter, car cela menace d’aggraver la blessure, il reste donc inactif pour permettre au processus de guérison d’opérer, on dit alors que le muscle est inhibé. Pendant cette période d’inactivité, le muscle perd du volume et s’atrophie. Il devient donc moins fort lors de sa contraction. Il perd également sa capacité de support, mais surtout, cette perte de volume diminue sa capacité à fermer les sphincters comme l’urètre et compromet donc sa capacité à maintenir la continence.
  • La perte de souplesse, d’élasticité et de mobilité des tissus : un tissu plus rigide sera beaucoup moins flexible lors de l’étirement. Or, le périnée participe à plusieurs activités qui lui nécessitent de la souplesse, par exemple, lors des relations sexuelles. Les douleurs aux relations sont très fréquentes suite à l’accouchement. Souvent, cela s’estompe après quelques relations. Par contre, si cela persiste pendant plusieurs mois, le problème demande une attention particulière et ne se règlera pas de lui-même, il pourrait même s’aggraver. Certains mouvements peuvent aussi provoquer des tiraillements vers la zone de la cicatrice et provoquer des douleurs, des inconforts, des tiraillements ou même des sensations de chocs électriques, qui peuvent irradier vers la hanche, les jambes ou même le bas du dos. Les tissus ne guérissent pas individuellement les uns des autres, ils guérissent comme un seul tissu, la peau, le muscle et les nerfs ne bougent donc plus aussi bien l’un sur l’autre comme avant (comme des feuilles de papier qui glissent l’une sur l’autre). Cela peut tirailler les nerfs et les enveloppes musculaires (fascias) provoquant ainsi de la douleur à distance.

Ainsi, en s’y attardant quelques instants, on remarque que la plaie que l’on croyait anodine peut amener des inconvénients, qui eux, sont loin de l’être :

  • Descentes d’organes et aggravation à travers le temps;
  • Incontinence urinaire, de selle, de gaz ou autres symptômes urinaires et ano-rectaux;
  • Douleurs dans les relations sexuelles et dans les mouvements.

Quoi faire pour traiter ces problèmes ou prévenir leur apparition?

Heureusement, il est possible de prendre soin de sa cicatrice et des tissus malmenés par le traumatisme de l’accouchement, et ce, à tout moment, même si le dernier accouchement a eu lieu il y a de nombreuses années!

  • Guider la guérison : lorsque possible, accompagner la guérison de la plaie avec des bains de siège, éviter les efforts physiques inutiles et faire des exercices de pompage périnéales afin d’aider à l’apport sanguin dans la région.
  • Une fois la plaie guérie (même si cela fait très longtemps), assouplir la cicatrice en hydratant la peau et la muqueuse à l’aide d’une crème hypoallergénique et faire des massages des tissus superficiels vers les tissus plus profonds.
  • Rééduquer les muscles : faire des exercices de renforcement, d’endurance, de coordination afin de s’assurer que les muscles recommencent à participer à leur fonction dans les activités quotidiennes et sportives.
  • Être à l’écoute il n’est pas normal de ressentir des symptômes lors de certaines activités, si des pertes urinaires, des lourdeurs, des douleurs ou d’autres inconforts se font sentir, il est important de ne pas persévérer, car le problème risque de s’aggraver à travers le temps!

Un tissu qui a été lésé ne récupèrera pas sa fonction à 100%. On estime que la récupération optimale peut aller jusqu’à 90%, lorsque bien guidée. Évidemment, il est préférérable de prévenir lorsque cela est possible en faisant une préparation à l’accouchement en prévention des déchirures, pendant la grossesseCependant, lorsque le mal est fait, la meilleure façon d’optimiser sa récupération, traiter ou prévenir ces problèmes est de faire une réadaptation des abdominaux et du plancher pelvien complète!

Vous pouvez  consulter les détails du programme en ligne de physiothérapie pour la réadaptation des abdominaux et du plancher pelvien pour toutes les mamans, abordable, accessible et à faire à la maison. Vous pouvez choisir de faire partie de la prochaine cohorte comme des centaines de mamans l’ont fait à ce jour! Cela peut être un excellent complément à des rencontres en physiothérapie pour rester motivée et bien comprendre les exercices à faire à la maison!

J’espère que vous êtes maintenant convaincue de l’importance de prendre soin de votre petite cicatrice!

À propos de l'auteur

Noémie Séguin est physiothérapeute depuis plus de 10 ans, elle a développé une expertise en Rééducation Périnéale et Pelvienne en allant suivre une formation de 2e Cycle Universitaire dans cette discipline. Elle a fondée la clinique Physio Pelvienne en 2012 et aidé des milliers de personnes à retrouver leur qualité de vie. Passionnée et ayant à coeur que cette expertise devienne plus connue et accessible, elle poursuit sa mission à travers ce blogue informatif et le développement de programmes de réadaptation en ligne en plus de poursuivre sa pratique clinique. Dans le but d'offrir le meilleur service qui soit, elle met régulièrement ses connaissances à jour en assistant à de la formation continue plusieurs fois par années.

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