La chirurgie, est-ce une bonne solution?

Par Noémie Séguin | Les outils de rééducation du périnée

Juin 22

La chirurgie pour le traitement des incontinences et des prolapsus, est-elle la solution?

Voyons ensemble les lignes directrices, les avantages et les inconvénients de ce type d’intervention!

Avant d’aller plus loin, je tiens à spécifier que je tenterai d’exposer la situation de la façon la plus objective possible en me basant sur les évidences offertes dans la documentation. Je tiens aussi à dire que je ne suis pas médecin, mon but n’est donc pas d’expliquer le détail des interventions, mais bien d’aborder les informations qui sont nécessaires à une prise de décision libre et éclairée par la femme qui se fait offrir ce type d’intervention pour corriger ses symptômes.


Les différents types de chirurgie;

Pour les incontinences :

  • TVT (trans-vaginal free tension) : la bandelette va être ancrée sur l’os du pubis;
  • TOT (Trans-obturator tape) : bandelette de suspension qui va être accrochée vers les aines par les trous obturateurs. (Voir image).

Ces interventions visent à aller soutenir l’urètre par des bandelettes synthétiques en remplacement des ligaments qui ne font plus efficacement leur travail de soutien.

Crédit photo: http://www.ch-libourne.fr/offres-de-soins/pratiques-professionnelles/incontinence-urinaire/

Pour les descentes d’organe (cure de prolapsus) :

  • Approche abdominale (laparotomie ou voie coelioscopique) vs vaginale;
  • Utilisation de matériel de suspension mèches et treillis;
  • Fixation du matériel de suspension par voie vaginale (promontofixation);
  • Hystérectomie : ablation complète de l’utérus.

Ces interventions chirurgicales visent à renforcir le mur vaginal par du matériel de soutien synthétique en remplacement des ligaments de support qui ne font plus efficacement leur travail de soutien.

Cette perte de soutien est souvent attribuable à la surcharge sur les organes pelviens occasionnée par la grossesse, l’effort de poussée lors de l’accouchement, mais aussi la perte de fonction musculaire des muscles profonds tels que les abdominaux et le plancher pelvien ou encore la perturbation du patron respiratoire. Cette perturbation de la fonction va amener une surcharge chronique sur les ligaments de soutien qui vont peu à peu s’étirer. Pour plus de détail, vous pouvez aussi visionner mes autres articles sur le blogue concernant les descentes d'organe et les traitements possibles.

Les chirurgies abdominales :

  • Cure d’hernie ombilicale : le plus souvent soutenu par le système public de santé. Vise aussi à mettre un treillis dans la région du nombril pour ensuite rapprocher les rebords de la ligne blanche vers le centre.
  • Chirurgie pour la diastase : Cette chirurgie est rarement prise en charge par le système de santé publique et va plutôt être faite par des chirurgiens esthétiques. Cette chirurgie aura alors un but esthétique et non pas fonctionnel.

Quels sont les avantages de la chirurgie?

Après la chirurgie et la période de convalescence, les résultats sont rapides et de façon générale, elle est efficace. On n’a pas non plus besoin de s’investir personnellement en temps ou encore financièrement pour avoir des résultats. La croyance est donc que la chirurgie est la solution la plus facile et qui demande le moins d’effort. On peut, en théorie, retourner rapidement pratiquer ses activités la tête tranquille.

Ces avantages sont le message qui est surtout véhiculé pour «vendre» la chirurgie aux femmes.

Quels sont les inconvénients de la chirurgie?

Les chirurgies de treillis ou de bandelette présentent un taux de complication plus élevé que la moyenne des chirurgies. Alors que la chirurgie moyenne présente un taux de complication autour de 1%, ces chirurgies vont présenter un taux de complication autour de 10% (entre 3 et 15%). On pense aussi que ce chiffre est sous-estimé au Canada puisqu’il n’y a aucun registre actuellement qui permet de répertorier les cas de chirurgie et aucun suivi n’est assuré à moyen long terme par les médecins à la suite de ce type d’intervention.

Les symptômes les plus souvent présents :

  • Perforation d'un organe adjacent comme la vessie;
  • Blessure à un nerf ou à un muscle occasionnant: douleur vers les aines, au niveau du périnée au repos et au mouvement, des pertes de sensations, picotements, engourdissements;
  • Érosion de la paroi vaginale;
  • Problèmes mictionnelles: difficulté à uriner, douleurs, incontinences;
  • Infections;
  • Douleurs dans les relations sexuelles;
  • Saignements, hémorragies;
  • Taux élevé de récidive du problème.

Le plus grand problème cependant c’est qu’en cas de complications, la chirurgie est très difficile à corriger et aucun médecin n’a jusqu’à présent fait un nombre de retraits complets suffisant au Québec pour être considéré comme une intervention fiable et sécuritaire. Les femmes doivent donc se tourner vers des ressources médicales extérieures, aux États-Unis, pour obtenir le retrait complet de leur dispositif. Cette intervention coûte alors entre 20 000$ et 25 000$.

De plus, bien souvent les femmes qui se retrouvent avec ce type de problèmes après la chirurgie ont de la difficulté à trouver des réponses puisque l’on admet très peu le lien entre les symptômes et la chirurgie encore aujourd’hui. Ces femmes consultent donc bon nombre de professionnels et vivent souvent plusieurs années avec leurs symptômes avant de trouver de véritables réponses à leurs problèmes qui nuisent énormément à leur qualité de vie.

D’ailleurs, ces dispositifs font l’objet de rappel de Santé Canada depuis plusieurs années déjà et l’émission Enquête s’est penchée sur le sujet lors de deux reportages au cours de la dernière année :

Même une fois que ces femmes ont trouvé des réponses et qu’elles ont investi dans le retrait du matériel chirurgical, certaines d’entre elles ne voient pas instantanément les symptômes disparaître. Le délai entre le début de l’apparition des symptômes et la chirurgie de retrait étant souvent de plusieurs mois, voire plusieurs années, la douleur chronique s’est fréquemment installée dans le corps et est plus difficile à éliminer. De plus, l’inflammation chronique causée par le dispositif entraîne aussi de la fibrose (tissu cicatriciel) dans les muscles ainsi que des spasmes. Ces muscles ne s’en remettront pas instantanément après le retrait du matériel. Sans compter les symptômes qui étaient présents avant l’installation du dispositif et qui risquent de refaire surface.


Est-ce que la chirurgie est efficace à long terme?

Les interventions visent à suppléer le manque de soutien par les ligaments (élastiques qui soutiennent les organes), cependant le soutien des organes ne dépend pas seulement de ces structures. Le corps travaille aussi de façon dynamique avec les muscles pour assurer cette fonction. Si les muscles ne font plus leur travail efficacement, les dispositifs de remplacement vont continuer à être stressés et à leur tour vont commencer à s’étirer et faire moins bien leur travail. On va donc se retrouver avec un retour des symptômes après quelques années tout dépendant de votre niveau d’activité physique.

Il est donc essentiel avec ou sans chirurgie de faire une rééducation abdomino-pelvienne afin d’assurer que toutes nos structures et nos systèmes travaillent correctement dans la bonne direction. Ainsi, la chirurgie aura une durée de vie qui risque d’être beaucoup plus longue dans le temps. Aussi, si la rééducation périnéale n’a pas encore été tentée ou n’a pas été faite jusqu’au bout, cela vaudrait vraiment la peine d’être fait en vue d’une meilleure préparation à la chirurgie, peut-être même l’éviter. La physiothérapie périnéale et pelvienne est démontrée mondialement comme étant l’approche de première ligne dans le traitement des incontinences et descentes d’organe.

Finalement, il faut faire  une rééducation des abdominaux et du plancher pelvien. Quand je parle d’une réadaptation complète, je ne parle pas de 2-3 rencontres, mais bien d’un programme complet équivalent à 12 rencontres de physio avec une progression graduelle des exercices sur une période d’au moins 4 mois. De plus, comme la chirurgie est somme toute compliquée à réviser, investir pour la préserver le plus longtemps possible est un incontournable. Une fois la chirurgie en place, certaines options de soutien comme le pessaire ne peuvent plus être envisagées étant donné qu’il y a un risque d’érosion et de blessure avec le matériel chirurgical en place.

Recommencer à vivre sans limitation après la chirurgie?

On dit aux femmes qui envisagent d’avoir la chirurgie qu’elles pourront reprendre leur vie d’avant sans limitation. Donc qu’elles vont pouvoir sauter, courir et s’entraîner la tête tranquille. Cependant, en agissant de la sorte sans avoir rééduqué vos muscles efficacement, les nouveaux «ligaments» de remplacement seront très stressés et la durée de vie de la chirurgie pourrait en être d’autant plus écourtée. Il est donc utopique de croire que l’on pourrait reprendre une vie sans aucune restriction après la chirurgie, et ce, pour le reste de notre vie. À moins, bien entendu, de combiner avec une bonne rééducation abdomino-pelvienne complète, d’apprendre à bien connaître son corps, à l’écouter et développer des stratégies de mouvements efficaces et durables!


Une lueur d'espoir à l'horizon

À la suite de la polémique qui a eu lieu dans les dernières années, le collège des médecins a ouvert une enquête et a récemment dévoilé publiquement ses recommandations. On y mentionne notamment :

  • Qu'un formulaire de consentement standardisé indiquant clairement les risques de la chirurgie soit obligatoirement signé par la patiente avant sa chirurgie;
  • Qu'un dépliant informatif complet soit obligatoirement remis à la patiente avant cette chirurgie afin qu'elle puisse être mise au courant de toutes les possibilités de traitement non chirurgical disponible pour elle;
  • Qu'un registre détaillé des patientes ayant subi une chirurgie soit créé;
  • Qu’il y est l'instauration d'un moratoire sur la pose de certains dispositifs qui montrent le plus grand nombre de complications;
  • Que le remboursement par l'assurance maladie des frais encourus par les patientes qui ont dû se rendre aux États-Unis pour faire retirer complètement leur bandelette soit couvert.

Bref, je ne pense pas que l’on doive mettre complètement de côté la chirurgie comme option de traitement, cependant, elle doit être considérée pour ce qu’elle est réellement : une intervention médicale qui comporte des risques et qui doit être envisagée comme une option de dernier recours. Ce qui n’est malheureusement pas le cas à l’heure actuelle où bien souvent les femmes se font proposer directement la chirurgie sans même avoir été informé de l’existence des autres approches non invasives comme la rééducation périnéale et pelvienne.


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À propos de l'auteur

Noémie Séguin est physiothérapeute depuis plus de 10 ans, elle a développé une expertise en Rééducation Périnéale et Pelvienne en allant suivre une formation de 2e Cycle Universitaire dans cette discipline. Elle a fondée la clinique Physio Pelvienne en 2012 et aidé des milliers de personnes à retrouver leur qualité de vie. Passionnée et ayant à coeur que cette expertise devienne plus connue et accessible, elle poursuit sa mission à travers ce blogue informatif et le développement de programmes de réadaptation en ligne en plus de poursuivre sa pratique clinique. Dans le but d'offrir le meilleur service qui soit, elle met régulièrement ses connaissances à jour en assistant à de la formation continue plusieurs fois par années.

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